
Après plus de dix ans de questions sans réponses, de controverses et de retards, le procès de l’affaire Urbain Pierre Dangnivo a finalement débuté le mardi 11 mars 2025 au Tribunal de première instance de Cotonou. Ce fonctionnaire du ministère de l’Économie et des Finances, par ailleurs militant de l’opposition, avait disparu le 17 août 2010, soulevant des soupçons de crime politique. Depuis lors, l’opposition et divers syndicats affirment qu’il aurait été assassiné sur ordre du gouvernement en place à l’époque, en raison d’informations compromettantes qu’il détenait sur des affaires de scandales financiers impliquant des hauts responsables. Malgré la découverte d’un corps en septembre 2010 (non identifié comme étant celui de Dangnivo par sa famille) et l’arrestation de deux suspects, l’affaire a stagné devant la justice pendant de nombreuses années.
Aujourd’hui, le procès très attendu se tient dans la salle G du tribunal, avec une forte couverture médiatique. Un écran géant a été installé pour suivre l’audience et de nombreuses personnalités, étudiants en droit et membres de la famille de la victime sont présents. Les deux accusés, Kossi Alofa et Donatien Amoussou, poursuivis respectivement pour assassinat et complicité d’assassinat, ont été appelés à témoigner. Le président du tribunal a précisé que ce procès était une continuation des débats antérieurs pour examiner les éléments abordés précédemment. Il a également assuré que chaque accusé bénéficiait d’une
Kossi Alofa à la barre : des révélations troublantes
Lors des premiers échanges, Kossi Alofa a déclaré que son vrai nom est Alofa Codjo et non Codjo Cossi Alofa, comme mentionné dans les dossiers judiciaires, attribuant cette confusion au commissaire Aledji qui lui aurait donné un second prénom.
Il a ensuite avancé des propos inquiétants en affirmant avoir été sollicité pour \”effectuer une mission pour le président de la République de l’époque\”, expliquant qu’on lui a dit que \”dans un pays, si certains citoyens dérangent le président, on s’occupe d’eux\”.
Alofa a déclaré que Dangnivo détenait des informations compromettantes pour l’ancien régime, et qu’on lui avait offert 25 millions de FCFA et sa liberté s’il acceptait d’exécuter la mission qui lui était confiée, mais qu’il n’avait finalement jamais reçu cet argent. Il a affirmé qu’il ignorait comment un treillis militaire s’était retrouvé chez lui et qu’il ne savait pas ce qu’il était advenu du corps de Dangnivo jusqu’à ce qu’un cadavre soit découvert chez lui à Womey.
Interrogé sur son passé, Alofa a révélé qu’il avait été arrêté la veille de la disparition de Dangnivo pour vol de moto, en compagnie d’un complice qui avait réussi à s’échapper. En détention à Godomey, il a déclaré que son téléphone, confisqué par la police, continuait de recevoir des appels de son complice. Après avoir été transféré à la prison civile de Cotonou, il a contacté son ami pour lui demander de lui rendre un service.
Alofa continue son récit en décrivant une scène qui semble tout droit sortie d’un film d’espionnage. Il raconte qu’un jour, aux environs de 4 heures du matin, il aurait été enlevé par des hommes cagoulés et emmené dans un véhicule. Il se souvient leur avoir demandé leur destination, et ces derniers lui auraient répondu qu’ils allaient le déposer au Togo. Cependant, le trajet a duré plus longtemps que prévu, et finalement, le convoi s’est arrêté à Hillacondji, à la frontière entre le Bénin et le Togo, où il aurait été abandonné. Désorienté, il s’est rendu aux autorités togolaises, qui l’ont détenu pendant 17 jours avant de le remettre aux autorités béninoises.
Interrogé par les avocats de la partie civile, Alofa a été questionné sur son éventuelle connaissance préalable d’Urbain Pierre Dangnivo. Il a répondu qu’il ne le connaissait pas avant cette affaire et que c’est uniquement à cause de celle-ci qu’il se retrouve devant la justice.
Lorsqu’on lui a demandé s’il avait réellement commis le meurtre d’Urbain Dangnivo, il a catégoriquement nié en affirmant qu’on lui avait simplement demandé de se déclarer coupable. Un avocat lui a ensuite demandé son niveau d’instruction, et Alofa a déclaré s’être arrêté en classe de CE1. L’avocat a soulevé le point troublant de savoir comment il pouvait répéter des déclarations complexes mot pour mot avec un tel niveau d’études.
Ce procès, prévu pour se dérouler jusqu’au 14 mars 2025, est considéré comme une occasion historique pour élucider l’un des plus grands mystères judiciaires du Bénin. Entre allégations de manipulation, suspicions de crime d’État et controverses entourant les preuves, l’issue de ce procès pourrait avoir d’importantes répercussions tant sur le plan politique que judiciaire.
La Rédaction