- Diagnostic d’un mal profond mais curable
L’Atacora, l’un des 12 départements du Bénin est une région riche par sa diversité culturelle et ses ressources naturelles. Mais au cœur de cette région, un phénomène préoccupant se développe silencieusement : l’exclusion des jeunes dans l’arène politique. Malgré leur énergie, leur engagement et leur soif de changement, les jeunes de l’Atacora sont trop souvent écartés des prises de décision politiques et des processus de gouvernance. Cette pratique compromet non seulement l’avenir des jeunes mais aussi et surtout celui de toute la région. La preuve est le retard observé en matière de développement dans cette région depuis les indépendances et ce, en dépit des nombreux talents et potentialités dont-il dispose.
De nombreux facteurs justifient la marginalisation des jeunes dans la sphère politique de l’Atacora. Tout d’abord, les structures politiques locales sont dominées par des figures âgées et souvent perçues comme appartenant à un autre temps. Ces “anciens” privilégient souvent des réseaux clientélistes et des alliances d’une époque révolue, laissant peu de place aux nouvelles générations. Aussi, le manque de formations politiques adaptées et l’absence de programmes visant spécifiquement les jeunes limitent leur accès à l’éducation politique.
Le système politique béninois aussi, dans son ensemble, manque de mécanismes qui favorisent la représentation des jeunes dans les instances décisionnelles. La tendance à nommer des leaders politiques en raison de leur ancienneté et de leur loyauté à des partis établis ne laisse guère de place à l’émergence de nouvelles voix. L’absence de lois contraignantes sur la représentation des jeunes dans les mandats électifs et les instances politiques, au même titre que le combat qui est fait pour la représentativité de la gente féminine, aggrave également cette situation.
La responsabilité des jeunes de l’Atacora dans la persistance de cette exclusion
Les jeunes de l’Atacora ont aussi leur part de responsabilité dans cette exclusion. Tout d’abord, c’est le manque d’organisation et d’union. En effet, l’absence de structures solides et d’une vision commune empêche une véritable mobilisation politique et rend difficile l’émergence d’un leadership jeune qui pourrait rivaliser avec les figures établies. Cette fragmentation est exacerbée par des luttes internes pour le pouvoir ou des rivalités inutiles qui affaiblissent les mouvements jeunes et rendent leur voix inaudible. La recherche de l’intérêt personnel au détriment de l’intérêt collectif est un autre facteur qui contribue à cette marginalisation. Nombre de jeunes, au lieu de s’unir pour défendre des causes communes, privilégient leurs intérêts personnels et se lancent dans une course effrénée derrière les hommes politiques, principalement pour satisfaire des besoins immédiats, souvent matériels. Cette attitude opportuniste, alimentée par une culture du “tout pour soi”, éloigne les jeunes des véritables enjeux politiques et les réduit à de simples instruments de manipulation dans des jeux de pouvoir.
Chez d’autres jeunes, il existe une certaine désillusion vis-à-vis de la politique. Ils considèrent la politique comme un domaine réservé aux “anciens” pensant qu’il est impossible pour eux de s’y imposer. Cette attitude passive et cynique les conduit à se détourner de la scène politique et à renoncer à toute forme d’engagement. L’indifférence croissante à l’égard des affaires publiques fragilise encore davantage leur position dans la société et les empêche de défendre leurs intérêts de manière collective et structurée.
Le manque de formation et de culture politique chez une grande partie des jeunes de l’Atacora est une autre responsabilité qu’ils portent dans cette exclusion. Trop peu d’entre eux investissent dans l’acquisition de compétences politiques, de leadership et de gestion. Parfois, la politique est perçue uniquement comme une activité d’opportunisme, sans réelle réflexion sur ses enjeux profonds, ce qui entrave leur capacité à s’organiser et à intervenir efficacement dans les débats publics. Tout ceci constitue une entrave au développement durable de l’Atacora.
L’une des conséquences les plus immédiates de cette exclusion est la démotivation des jeunes, qui se sentent souvent délaissés et invisibles dans la société. Pour la plupart, ils finissent par se lancer dans l’alcool frelaté, entretenu par les hommes politiques eux-mêmes pour continuer de maintenir les jeunes sous leur emprise. Lorsque les jeunes sont écartés de la politique, ils perdent non seulement l’opportunité d’influencer les politiques publiques qui les concernent, mais ils sont aussi privés de la chance de jouer un rôle dans la gestion de leur avenir.
À long terme, cette marginalisation peut entraîner une forme de radicalisation, notamment chez ceux qui estiment que les mécanismes démocratiques ne répondent pas à leurs besoins. Cela peut se traduire par une fuite vers des idéologies extrémistes. Elle peut aussi entraîner une désillusion envers les institutions républicaines. Sur le plan économique et social, cette exclusion prive la région de l’Atacora d’un grand potentiel. Les jeunes, qui représentent une grande partie de la population, sont une grande source d’innovation et de dynamisme. Leur non-implication dans les processus politiques freine les initiatives locales en matière de développement durable et de transformation socio-économique.
Que faire ?
Si les jeunes de l’Atacora doivent exiger une place dans les processus politiques au même titre que certains départements du Bénin, ils doivent se remettre en question. Il faut qu’ils surmontent la tentation de l’individualisme et qu’ils œuvrent pour une plus grande solidarité et une organisation entre eux. Une prise de conscience de leur rôle à jouer dans la construction de leur avenir, ainsi qu’un investissement dans leur formation politique, permettront de renforcer leur voix et de remettre en cause cette exclusion persistante. La clé de l’intégration des jeunes dans la politique réside autant dans les efforts collectifs qu’individuels.
Plusieurs autres pistes de solutions peuvent être envisagées pour remédier à cette situation notamment l’institution de quotas pour les jeunes dans les partis politiques et les élections locales pour garantir une représentation plus équitable. Cette mesure permettrait d’assurer que les jeunes aient un droit de parole.
Des programmes de formation en leadership politique destinés aux jeunes pourraient être lancés. Ces formations vont permettre aux jeunes de mieux comprendre les enjeux politiques et de se préparer à prendre des responsabilités. Les partis politiques, les Ong et les institutions éducatives peuvent jouer un rôle dans ce domaine en collaborant pour offrir ces formations.
Il serait également bien de créer des plateformes de dialogue entre les jeunes et les responsables politiques, afin de favoriser un échange d’idées et d’offrir aux jeunes un espace pour exprimer leurs préoccupations. Ce dialogue pourrait être institutionnalisé sous forme de conseils consultatifs où les jeunes représenteraient leurs pairs dans les décisions locales.
L’exclusion des jeunes dans la politique de l’Atacora ne doit plus être perçue comme une fatalité. Si la région veut réellement amorcer son développement de manière durable et inclusive, il faut que la jeunesse soit intégrée dans les processus décisionnels. C’est un appel à l’action pour les responsables politiques, les institutions et la société civile, afin de donner aux jeunes l’opportunité de s’engager et de contribuer activement à la construction d’un avenir meilleur pour l’Atacora et le Bénin dans son ensemble.
✍️ Confiance NOUANTI