Dr Nadin Tayéwo Kokodé du parti Grande Solidarité Républicaine (Gsr) a émis un avis sur les sujets brûlants de l’actualité nationale. Dans un entretien exclusif, il a évoqué la gouvernance du Président Patrice Talon et appelé l’opposition béninoise dans son ensemble à l’union afin de prendre le pouvoir en 2026. Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son entretien.
La Rédaction
Docteur Nadin Tayéwo KOKODÉ Bonjour. Il y a, comme qui dirait , belle lurette. On vous entend de moins en moins. C’est un plaisir et un véritable privilège de vous recevoir.
Bonjour Monsieur le journaliste et merci de me recevoir. La liberté de parole est un droit fondamental inaliénable, et je suis très attaché à ce droit et à tous les droits fondamentaux. Les débats contradictoires musclés et francs étaient plaisants tant qu’il n’y avait pas de risque à s’exprimer. Depuis 2016, notre Pays a beaucoup souffert et cette liberté de parole a hélas été muselée, cédant place à une pensée monolithique. J’ai dû apprendre à hiérarchiser mes prises de parole tellement il était impérieux de choisir, d’être libre ou privé de liberté.
Enfin Docteur KOKODÉ la situation semble s’être calmée depuis ?
« Chat échaudé craint l’eau froide ». Depuis que la Coalition de la Rupture a pris les rênes du pouvoir en 2016, le Peuple Béninois a vu toutes les libertés fondamentales remises en cause. Des restrictions démocratiques se sont abattues sur notre Pays et ont généré plusieurs crises électorales : 2019-2020-2021 et même 2023. Cela mérite que l’on s’interroge. Combien sont allés en prison depuis, et combien croupissent encore dans la fétidité des geôles « rupturiennes » ? Combien ont dû se résoudre à l’exil ou sont allés se réfugier ailleurs afin de sauvegarder une once de liberté ? Combien d’innocents sont morts ? Il n’y a d’accalmie qui tienne dans une atmosphère aussi prégnante et oppressante.
Le cadre juridique n’a pas non plus évolué depuis 2017, il faut rester vigilant. Même si le bail du locataire de la Marina arrive à échéance sous peu, il ne faut pas exclure que la Police remette le couvert des arrestations arbitraires et la Justice les parodies de jugement afin de s’avancer comme jadis vers des Élections sans véritables enjeux en 2026. Il n’y a aucun héroïsme à se laisser embastiller lorsque l’on peut intelligemment l’éviter.
Dans ce cas, qu’est-ce qui vous pousse à revenir dans le combat politique ?
Je n’ai jamais quitté l’arène politique. Je me suis juste éloigné du chaudron. Nous avons fait une chute vertigineuse. Il y a eu une énorme méprise à l’ère de la Rupture par rapport au pouvoir que le Peuple transmet à l’État pour le bon fonctionnement de la Nation. L’effet miroir « État-Peuple » n’a pas fonctionné. Périclès rappelons-nous disait que la Démocratie, c’est « Le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Tout est parti à vau l’eau, tout est à reconstruire.
La parole est confisquée depuis 2017. L’Assemblée nationale n’a pas joué son rôle de représentant de la Nation. Le Président de la République ne s’est jamais mis dans la peau d’un défenseur du Peuple. La gestion du pouvoir par l’État, c’est-à-dire par l’Assemblée Nationale, le Président de la République et la Justice, a été d’une violence inouïe. Aucun développement ne se fait sans liberté de parole. La démocratie renferme en elle une notion essentielle, celle de la liberté. Et la liberté est à chérir lorsqu’on a la chance d’exercer le pouvoir d’État en démocratie.
Docteur, le Bénin va mieux depuis quelques temps nous dit-on. Les villes s’embellissent, notre économie retrouve une certaine vitalité. Ne devons-nous pas être plutôt fiers ?
Une vraie reddition des comptes se fera en 2026. J’espère cette fois-ci que ce sera l’heure des débats, et qu’enfin nous aurons des informations fiables pour analyser ce qui a été réellement fait pendant dix ans. L’Opposition doit pour sa part continuer à jouer son rôle institutionnel. C’est ce que nous faisons au Parti Grande Solidarité Républicaine (GSR) sans complaisance aucune et sans animosité. Qu’est-ce que dix années dans la vie d’un pays ? Le Parti GSR proposera un projet novateur au Peuple Béninois, en tenant compte de ce qui a été construit pendant des décennies. Nous ne sommes pas dans une logique de rupture encore moins dans une logique de destruction. Nous sommes des bâtisseurs. Tout n’est pas à jeter, mais beaucoup reste à faire.
Souvenez-vous que la Majorité présidentielle dirige sans partage le Pays et qu’elle s’est habilement débrouillée, grâce à sa main mise sur l’information et tous les réseaux de communication, pour capter et phagocyter l’opinion publique, faire accuser l’Opposition de pusillanimité, la décrier comme une Opposition incapable et surtout valétudinaire. Peu de Citoyens ont mesuré combien le carcan juridique et la manipulation de l’information, dans lesquels l’Opposition a dû exister, ne lui laissaient que peu de marge pour reprendre quelque ampleur politique et quelque vigueur afin de travailler sereinement. Tous n’ont néanmoins pas été ni dupes ni de mauvaise foi. C’est pour cela, qu’il faut savoir honorer les victoires du Peuple. Nous sommes prêts à relever le défi à tous les niveaux sans avoir besoin d’utiliser ces mêmes méthodes délétères.
Votre optimisme m’étonne Docteur. On parle bien de cette Opposition Béninoise avec toutes ses carences en matière de communication politique ?
Notre Opposition n’est certainement pas suffisamment autonome en matière de communication mais il n’y a pas non plus d’équité dans l’accès aux médias nationaux. Je reconnais que nous manquons actuellement de ressources humaines suffisantes et de stratégies politiques de renom pour des analyses fines et stratégiques. Les meilleurs
d’entre-nous ont été détruites sinon physiquement au moins mentalement. Ils n’ont plus envie de se battre. Mais, il ne s’agit que d’une situation passagère, qui sera vite résolue. Il faut néanmoins remarquer que beaucoup d’intellectuels béninois ont déserté le forum, en partie pour ne pas être inquiétés. Certains avec qui j’ai échangé m’ont dit qu’ils n’ont plus accès aux informations, tant pour actualiser leurs connaissances que pour proposer leurs compétences en matière d’analyse et de prospectives. Notre Université aura donc été exclusive des recherches et pour partie évincée par cette politique de ruse et de rage. C’est bien dommage.
Cela a amené à minimiser voire dénigrer les efforts déployés par nos universitaires, nos chercheurs, nos experts qui trop conscients de cela explorent heureusement d’autres voies et moyens pour remédier à cette manœuvre de dénigrement et d’isolement. On a l’impression que tout est fait pour démontrer que le Bénin est un désert de compétence. Mais cette prophétie macabre ne se réalisera pas. Toutes les compétences du Pays seront de nouveau mobilisées, sans calcul, sans intrigue. C’est l’un des défis que le GSR lance pour l’après Rupture.
Soit Docteur, mais jamais à l’ère de la Rupture l’opposition béninoise n’a parlé d’une même voix.
Votre point de vue pourrait paraître réaliste. Il est indispensable, si l’on a le courage de ses ambitions, de savoir reconnaître ses échecs afin de les transformer en victoire. Mais l’autoflagellation, même objective, a certaines limites face à un gouvernement dictatorial.
Il faudra en effet nécessairement que l’Opposition plurielle se plie un jour à l’exercice de l’autocritique. Souvenez-vous qu’après la promulgation de la Loi N°2018-23 du 17 septembre 2018 portant Charte des Partis politiques en République du Bénin, plusieurs Partis politiques « lilliputiens » ont disparu, en raison c’est vrai de leur absence d’envergure nationale réelle mais aussi du fait de stratagèmes anti-démocratiques savamment orchestrés par le Pouvoir afin d’imposer sa réforme mortifère des Partis politiques.
Il me semble évident que les Partis de l’opposition qui, pour la plupart, étaient des clubs d’électeurs et qui n’avaient pas prestement pris la mesure de la « machine » mise en place par le pouvoir, ont été déstabilisés. Ils ont essayé de résister, voire de faire du chantage, sans jamais constituer un bloc véritablement uni capable de déstabiliser le Président Patrice TALON. Je pense qu’ils ont tellement multiplié les erreurs que Le Président TALON en avait eu plus qu’il n’en voulait. Dans cette affaire, le grand Parti du Renouveau Démocratique (PRD) de Me Adrien HOUNGBÉDJI a perdu ses plumes. C’est vous dire comment le combat était impitoyable.
Rappelez-vous aussi qu’en 2019 l’Opposition a été prestement éliminée de la course aux Élections Législatives. En 2020, pour les Élections communales : « Bis repetita placent », pour paraphraser Homère. En 2021, nous avons été éliminés par les parrainages pour l’Élection Présidentielle. Pour mémoire j’étais candidat et j’ai suivi toutes les directives afin d’éprouver le système d’obtention des parrainages. On ne sort pas de toutes ces épreuves indemnes. C’est pour cela que nos dissensions idéologiques sont apparues au grand jour quant à l’attitude à adopter du fait de cette Élection de 2021, y aller, ne pas y aller. Nous travaillons pour aller au-delà de tout ceci.
Je reconnais qu’il nous a manqué et qu’il nous manque un leader charismatique sans lequel aucun dialogue solide et sincère n’a été rendu possible et ne sera possible. Certains d’entre-nous ont été aussi fragilisés par la suspicion de collusion avec le gouvernement. Les égos surdimensionnés, exacerbés de plusieurs personnalités politiques importantes de cette Opposition, ont fini par nous rendre inefficaces. Nous assistions impuissants à l’obsolescence programmée de notre Opposition face à une « machine à broyer », conduite de mains de maître par le leader incontesté de la Mouvance. Nous avons survécu à toutes ces difficultés. Le meilleur reste donc à venir.
L’Opposition devrait donc nous surprendre en 2026. Pensez-vous être ce leader charismatique ?
Il est loisible de constater que malgré nos divergences politiques, lorsqu’il s’est agi en janvier 2023, de mettre fin à la prévarication des Partis politiques de l’Opposition malgré les différentes tribulations, nous nous sommes levés comme un seul homme, à quelques exceptions près, pour envoyer le Parti Les Démocrates (LD) à l’Assemblée Nationale. Parmi toutes les organisations politiques qui ont cru en la victoire par les urnes, il y a le Front pour la Restauration de la Démocratie (FRD) auquel appartient le GSR. Le FRD est à féliciter pour la constance de son positionnement, malgré les divergences dont vous parlez. Le Parti Les Démocrates, grâce aux Partis et Mouvements qui formaient le FRD, compte aujourd’hui vingt huit (28) Députés à l’Assemblée Nationale.
Voyez-vous pour diriger un groupe il faut avoir quelques capacités et être porteur de valeurs. Il faut d’autre part que vos pairs vous reconnaissent comme tel. Vous pouvez avoir les qualités requises et pourtant le choix se portera sur une autre personne. Le problème ne se pose pas en ces termes. En politique, le leadership est d’une complexité particulière. Il faut aussi avoir la possibilité de multiplier les échanges avec les Citoyens et les Citoyennes. Ceci suppose des moyens pour mettre en œuvre cela. Or les partis de l’Opposition Non parlementaires n’ont pas de financement pour promouvoir une vraie communication sur leurs projets politiques, c’est une difficulté de plus. En somme cette question de leadership ne peut être mise à l’ordre du jour actuellement. Sans ou avec leader nous vaincrons en 2026. C’est la seule constance.
Et pourtant Docteur, 2026 semble déjà ficelée et cette Opposition-là n’inspire toujours pas confiance.
Qu’est-ce qui est ficelé ? Les Élections Générales ou les Présidentielles ? Voyez-vous, je ne suis pas assez naïf pour croire que la Liste Électorale Informatisée (LEI) sera fiable, expertise de l’Opposition ou pas. Au vu de ce qui s’est passé ces dernières années et compte tenu de ma propre expérience avec la Commission Électorale Nationale (CENA) lors des élections législatives de 2023, je n’ai aucune confiance en la CENA aujourd’hui pas plus que je n’en avais en 2021 où j’avais pris mon bâton de pèlerin à la recherche des parrainages. Lorsque je regarde toutes les décisions rendues par
notre Cour Constitutionnelle sous l’ère de la Rupture, je dis comme vous que le match est joué d’avance. Mais, mon cher ami, je n’aime pas les matchs qui sont joués au vestiaire. L’impossible ne devient possible que si l’on essaie de le réaliser. Le Peuple Béninois est souverain et vous verrez il tranchera.
C’est facile aussi, vous savez, de dire que l’Opposition n’inspire toujours pas confiance, lorsque l’Opposition ne peut pas communiquer librement sans se faire taper dessus. Voyez-vous, l’Opposition sait apprécier ses propres défaillances mais il semble évident que les critiques acerbes dont elle fait l’objet, comme celle que vous venez de faire, paraissent injustes au regard de l’engagement et de l’investissement des Hommes et des Femmes qui se sont lancés en son sein dans cette aventure politique, de même qu’au regard du prix que nous avons dû payer pour la Sauvegarde de la Démocratie au Bénin depuis 2016. Le Parti GSR la main dans la main est conscient du défi et est prêt à le relever.
Mais Docteur, lorsqu’on regarde l’échiquier politique et les difficultés qui semblent émaner du nouveau Code électoral, pourquoi ne pas rejoindre le rang de ceux qui refusent d’aller aux élections afin de se battre autrement ?
Je crois en la Démocratie. Elle n’a rien de parfait mais c’est la meilleure méthode d’expression du Peuple. Monsieur le Journaliste, je ne souhaite pas m’inscrire dans des tactiques politiciennes qui s’arrogent le droit de supplanter l’expression des urnes donc celles des Citoyens et des Citoyennes. Pour moi, la politique de la chaise vide et le bourrage des urnes sont identiques. Les deux sont génétiquement anti-démocratiques. Nous devons œuvrer pour redonner le pouvoir au Peuple, par les urnes, dans le calme et la discipline, dès 2026. C’est possible et largement possible. Pour être honnête avec vous j’ai encore quelques craintes qui toujours m’étreignent mais il faut savoir oser, assumer ses responsabilités. Nous avons une responsabilité devant le Peuple Béninois. Je reste persuadé que l’Opposition béninoise est bien plus mature pour mieux défendre ses intérêts et les intérêts du Peuple que le pouvoir actuellement en place. Il nous reste juste de pouvoir rassurer sur ses possibilités réelles de gagner les Élections en 2026 même dans des conditions drastiques voire oppressives.
Ne rêvez-vous pas un peu trop Docteur avec cette Opposition-là ?
Je n’en rêve pas encore assez cher ami. Du rêve naît l’espoir. Pour les Élections Communales, Législatives, Présidentielles de 2026, les Citoyens et les Citoyennes devront être assurés de l’utilité et de la pertinence de leur choix. Les abstentionnistes de 2023 n’iront voter en 2026 que si nous nous engageons envers tout le Peuple à mettre en œuvre le projet pour lequel ils nous auront accordé leur voix à travers les candidats de nos diverses listes.
Voter, est un acte synallagmatique. Le Citoyen, la Citoyenne s’engagent par un choix politique et l’Élu s’engage envers le Citoyen, la Citoyenne à défendre leurs intérêts, à construire une Nation selon les orientations qui auront été définies dans son projet électoral. Il faudra le faire comprendre à tout le monde ; la survie de notre Démocratie pourrait en dépendre.
Je crains toujours Docteur que l’Opposition Béninoise ne soit pas assez unie pour prôner l’ambition d’une victoire totale en 2026.
Si vous entendez par « pas unie » parler coûte que coûte d’une seule et unique voix, c’est le contraire de la démocratie. Si être uni c’est une unité de paroles et d’actions, à partir d’un minimum de consensus, nous n’avons jamais été aussi unis qu’aujourd’hui. Voyez-vous, il y a dans ce Pays au moins cinq Partis de la mouvance qui étaient aux Elections Communales en 2019 et aux Elections Législatives en 2020 puis en 2023, personne n’y trouve quelque inconvénient. Lorsqu’il s’agit de l’Opposition, on veut nous pousser à fusionner ou nous contraindre à n’avoir qu’une seule et unique liste. Je ne rentrerai pas dans le détail des stratégies ici. Bon an mal an, nous avons un Code Électoral qui oblige le Parti Les Démocrates à avoir un partenaire sérieux dans l’Opposition avec qui signer l’accord de gouvernance parlementaire. L’Opposition Non Parlementaire n’a pas le choix. Elle doit trouver formule juste pour répondre présent à l’appel. Pour ma part, je prône une coalition et j’espère être entendu. Tirons enseignement de l’expérience difficile que vient d’avoir le peuple français à la suite de la dissolution de l’Assemblée Nationale, et de celle du peuple américain à la suite de l’attentat manqué contre Donald TRUMP. La Démocratie même chez eux, n’est pas un long fleuve tranquille.
Qu’entendez-vous par coalition, Docteur, dans un pays où les alliances sont interdites ?
Le Code électoral je viens de le rappeler, ouvre des possibilités de signature d’accord de gouvernance parlementaire. Si vous étiez à la place du Parti les Démocrates, à qui proposeriez-vous un accord de gouvernance aujourd’hui ? Il ne faut pas être naïf, aucun des Partis de l’Opposition Non parlementaire pris isolément n’est capable de faire ce combat tout seul. Il faut arrêter de minimiser les adversaires. Ils auront en 2026 totalisé dix années au pouvoir. Ils laisseront des empreintes visibles. Il faut s’organiser pour pouvoir donner de bons contenus aux accords.
La Coalition que je propose entend définir sur des bases saines une cohérence d’actions qui se concrétisera grâce à des choses simples. Premièrement, des valeurs déjà partagées et promues par les Partis et les Mouvements de la Coalition de l’Opposition Non Parlementaire, deuxièmement, des ambitions communes des Partis et des Mouvements de cette Coalition pour définir les axes de développement du Bénin et troisièmement, des engagements clairs qui seront le dénominateur commun de l’action des Partis et des Mouvements de la Coalition lors des échéances électorales de 2026. Je suis un combattant, et je reste persuadé que l’impossible ne devient possible que lorsqu’on l’a réalisé. Cette Coalition voyez-vous n’a rien d’une alliance.
Docteur KOKODE désolé d’insister, comment pensez-vous pouvoir être entendu par des Chefs de Partis qui n’existent politiquement que par leur titre de Président ?
Ils n’auront pas le choix, sauf de préférer le suicide politique. Le Peuple Béninois nous l’exige. Il n’ira que vers des groupes forts. Ne pas apprendre de nos erreurs depuis l’avènement de la Coalition de la Rupture et continuer à prôner la division de façon égocentrique est une erreur que plusieurs Partis politiques de l’Opposition ont déjà faite et ne feront plus. Les Élections de 2026 sont déjà là. Le Peuple Béninois refuse d’être une fois de plus pris en otage. Le pouvoir ne se donne pas, il se conquiert. Les Élections de 2026 seront un combat de géants dans le Pays. Les cartes seront redistribuées, cela me semble évident. Plus que de sauver nos « écuries » ou nos apparences, ce sont les stratégies pour aller conquérir la majorité dont il faut désormais que nous discutions. Les Présidents qui s’accrochent à leur titre de président resteront sur le quai de la gare et comme en 2019 ils regarderont le train passer.
Enfin Docteur, quelque chose me préoccupe. J’ai vu que vous étiez urgentiste et angiologue, deux spécialités rares au Bénin. Quid de votre métier ?
Je suis tombé dans la marmite de la politique dès mon berceau. Côté paternel comme maternel. Je n’ai donc aucun mérite. Mon grand-père dans la Vallée de l’Ouémé fut un grand résistant à la politique coloniale à son petit niveau. Trois mois dans les geôles coloniales dans les années 50. Il a aussi été élu chef de village en ce temps-là. Son fils Gaston KOKODÉ est connu de tous pour le combat qu’il a mené au sein du Parti Communiste du Bénin pour l’avènement de notre démocratie : neuf ans de prison sous le Président Kérékou. Ma mère a été élue de la deuxième législature à l’ère du Renouveau Démocratique. Aucun de ceux-là du peu que j’ai vu n’ont oublié leur métier. Donc, le travail est le seul libérateur. Mon métier est ce que j’ai de plus cher, plus que la politique. C’est pour cela qu’officiellement je suis entré en politique assez tard. J’ai pourtant eu des occasions, j’ai refusé d’excellentes propositions de postes tout au cours de ma vie. Ne vous inquiétez donc pas, je resterai proche de mes patients autant que possible. J’avais à peine trente ans que je savais ce que j’allais apporter au Bénin sur le plan de la santé. C’est d’ailleurs pourquoi dès mon retour au pays en 2011, j’ai enclenché la bataille pour la redynamisation de l’Ordre National des Médecins du Bénin (ONMB). Dans notre pays on a tendance à vouloir gommer l’histoire mais tous les anciens savent que sans l’intervention du Dr KOKODÉ, l’Ordre n’aurait pas été ce qu’il est aujourd’hui. Pas besoin de faire de la politique pour cela. Néanmoins, mes cheveux sont de plus en plus grisonnants. Ce qui doit se faire, se fera, plaise à Dieu, avant la fin de mon mandat sur terre.
La force de votre engagement est presque contagieuse Dr KOKODÉ L’on ne peut nier que vous êtes bien motivé. Merci beaucoup pour cet entretien et pour cet optimisme conquérant. Que souhaitez-vous ajouter pour conclure ?
Je vous remercie aussi infiniment d’avoir pu venir à moi, alors que dès mon arrivée hier je me suis fait voler mon téléphone à l’Aéroport, ce qui a naturellement rendu difficile et tardive notre rencontre de ce jour. Nous avons, vous savez, une Nation démocratiquement mûre et prête qui ne reculera devant rien pour reconquérir sa liberté. Ce peuple a envie de profiter en toute liberté des belles routes asphaltées et des ponts que le régime de la Rupture lui a bâtis. Contre mauvaise fortune il faut parfois faire bon cœur. Il faut donc se dire que les dix ans de Patrice TALON nous permettront de prendre conscience du vrai sens d’une démocratie ; c’est donc une sorte de chaos salvateur. Je ne suis pas un mauvais perdant. J’admire les routes et les ponts qui sont faits, il y a même quelques belles lois et des efforts dans plusieurs domaines. Il y a certainement de belles et bonnes autres choses de faites et à faire, mais aussi plusieurs erreurs dont l’une de pires serait certainement la destruction de Dantokpa. Sur ces travaux un Opposant ne peut faire rien à part constater. Mais ce qui m’intéresse actuellement ce sont les libertés fondamentales. Avec nous, le Bénin retrouvera ses lettres de noblesse par les urnes et seulement par les urnes. Je n’ai aucun doute à ce propos. Ce sera certainement difficile, mais le jeu en vaut certainement la chandelle. Les enjeux sont cruciaux et nous sommes prêts pour relever le défi. Les échéances électorales de 2026 sont un test grandeur nature pour notre Démocratie. Nous n’avons pas d’autre choix que de réussir ce test. Le Peuple Béninois y arrivera dans tous les cas, c’est ma seule certitude aujourd’hui.